Créer une foule d’esclaves dans un épisode de Game of Thrones de la saison 6. Voilà le genre de mission que mène cette artiste 3D de 26 ans!
Chez Rodeo FX, Marie-Soleil Chabot se spécialise en simulation de foules. C’est elle qui insuffle aux acteurs virtuels des comportements complexes. Son talent? Une programmation minutieuse. Zoom sur une profession rare et recherchée.
Espresso-Jobs: Pouvez-vous me présenter votre travail?
Marie-Soleil Chabot: Je suis une artiste 3D spécialisée en simulation de foules chez Rodeo FX. Une production visuelle peut avoir besoin de figurants, pour remplir une ville par exemple, et on crée des acteurs virtuels, en 3D. J’interviens après l’animation et avant l’éclairage 3D. J’envoie mon travail aux artistes lightning. Je suis dépendante du travail des autres départements : animation, modeling et textures, etc.
Quelles sont vos réalisations récentes?
J’ai créé la foule d’esclaves dans un épisode de Game of Thrones de la saison 6. Les foules peuvent aller de 100 à 12000 personnes environ. J’ai créé une foule de gens faisant leur jogging au bord d’une rivière à Shanghai pour une publicité destinée au marché chinois. Les plans avaient été filmés par drone à vol d’oiseau, il fallait que j’y intègre des acteurs 3D qui aient l’air de courir de manière organique. C’est ça le vrai défi, créer quelque chose qui a l’air d’être vrai, attribuer aux acteurs des types de comportements réalistes.
Quelles sont les contraintes de la simulation de foules?
Il y a des modèles plus ou moins lourds en matière de définition. Si c’est en trop haute résolution, ça peut devenir très lourd à gérer car ça augmente les temps de rendus de façon phénoménale. Il faut aussi créer un «cerveau» à ton acteur, lui donner un comportement pour qu’il fasse telle ou telle action. Il ne peut pas faire n’importe quoi dans la foule. Par exemple, il ne peut pas marcher sur les pieds d’un autre. Il ne peut pas y avoir de collision non plus. Pour faire cette programmation visuelle, je travaille sur un logiciel français Golaem, qui permet de créer des comportements, ou le logiciel chinois Miarmy.
Pensiez-vous dès le début de votre carrière à vous spécialiser en simulation de foules?
C’est un concours de circonstances. J’ai eu de la chance, c’est un métier très recherché, très en demande. Je dirais que nous sommes qu’une vingtaine à Montréal. J’ai d’abord commencé à travailler en roto-paint puis j’ai eu l’opportunité d’intégrer l’équipe en simulation de foules sur Game of Thrones. Je me suis formée en une semaine. Avoir des résultats rapidement, c’est très gratifiant. Rajouter une foule dans une séquence, ça rajoute de la vie, ça donne un cachet de réalisme. Dans la saison 6 de Game of Thrones, il y a une scène où des cavaliers courent à toute vitesse pour aller se battre, j’avais l’impression de contrôler 1000 personnes avec leurs chevaux! J’ai adoré faire ça!
Quelles sont les qualités nécessaires pour cet emploi?
Il faut avoir beaucoup de patience, faire attention aux détails, ceux-ci ne pardonnent pas dans la simulation de foules. Les modèles peuvent être beaux, moins détaillés car on les voit de loin mais les comportements complexes doivent être soignés à chaque étape. Il faut absolument que les gens dans la foule aient l’air normal, ils doivent s’arrêter au feu rouge au coin de la rue, respecter le trafic. Et il faut programmer chaque action.
Et plus techniquement?
Il faut avoir des connaissances en «rigging», c’est-à-dire la création de squelettes/armatures pour personnages 3D, mais aussi des connaissances générales dans chaque département. Il faut être capable de comprendre ce qu’est le shading, les textures, etc. Avoir des bases en programmation est aussi un avantage. La simulation de foules n’est pas vraiment enseigné dans les écoles au Québec alors la personne intéressée ne doit pas hésiter à se renseigner par elle-même et à apprendre les bases, comme moi, sur le tas!
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