Il a géré l’équipe du gros succès québécois « Cracké »!
Céline Gobert
20 mars 2017
Carrière
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Après avoir travaillé des années chez Dreamworks, en Californie, ce directeur de l’animation est depuis 5 ans chez le québécois Squeeze. Espresso-jobs s’est entretenu avec celui qui a travaillé sur le grand projet Cracké, vendu sur 185 territoires!
Éric Lessard est directeur de l’animation au studio Squeeze, basé dans la ville de Québec. Parmi les projets phares de sa carrière, on trouve les 21 épisodes de la série Cracké, mais aussi les films Shrek, Madagascar, Mimic, et Sarila. Pour lui, le métier d’animateur est un véritable « travail de moine ». Entrevue avec celui qui a voyagé du Québec à la côte ouest américaine, en passant par Paris!
Espresso-Jobs : Que faites-vous chez Squeeze?
Éric Lessard: C’est assez varié. Nous travaillons sur de nombreux projets, des publicités, des films, des séries télé. Ça bouge beaucoup! En tant que directeur de l’animation, mon travail est d’abord de répartir le travail entre les animateurs en fonction de leurs qualités, de leurs forces mais aussi de leur faiblesses. Je dois également déterminer le temps alloué à chaque shot. Quand l’étape de production commence, j’établis le style d’animation avec le réalisateur ou le client. Est-ce qu’il veut quelque chose de réaliste? De cartoony? On fait des tests d’animation pour le définir en détails. On s’entend aussi sur les délais de production. Tous les jours, je supervise les animateurs. Ils me soumettent leur travail, que j’évalue et critique, afin d’effectuer les retouches nécessaires. Ensuite, on présente le travail aux clients. Nous n’arrêtons que lorsqu’on parvient à la qualité recherchée et que le client est satisfait.
Sur Cracké, par exemple, comment avez-vous procédé?
Nous avons travaillé 9 mois sur le projet avec une équipe de 15 à 20 animateurs. Dans ce cas-ci, le défi était de pousser le plus possible l’animation vers quelque chose de très exagéré, comme le style de Tex Avery. On voulait des personnages qui tombent en mille morceaux, des yeux qui sortent de la tête, un rendu cartoony. On espère une suite à Cracké!
De quelles réalisations êtes-vous le plus fier chez Squeeze?
De Cracké! D’autant plus que la série a eu un impact dans le monde entier. Mais nous avons toutes sortes de projets. Je pense par exemple à une publicité avec un style très particulier, très graphique pour l’Office du tourisme de la ville de Québec. La première année aussi, nous avons travaillé sur Dragons 3D, notre premier contrat d’animation de très haute qualité (ndlr: le film est sorti en 2013 et mettait en scène Laurence Leboeuf et Max von Sydow).
Quels sont vos défis principaux en tant que directeur de l’animation sur de tels projets?
Atteindre la qualité désirée tout en aidant les juniors. Il faut qu’ils soient challengés mais tout en gardant du plaisir. On ne veut pas qu’ils se perdent ou que ce soit moins intéressant pour eux car ils ont trop de choses à faire. Doser la répartition du travail est donc un défi important pour moi, pour que le projet avance et progresse efficacement.
Qu’est-ce qui vous passionne dans ce milieu?
Je viens du milieu du film, alors quand on travaille sur un film, ça vient chercher mes expériences passées. C’est vraiment excitant de pouvoir travailler sur un gros projet d’envergure, de bâtir tout cela avec une équipe, de créer des personnages, les animer. J’aime le feeling que provoque le fait de monter un projet de A à Z. Après, on s’assoit dans une salle de cinéma, on le regarde, et on a la chair de poule.
Sur quels films avez-vous travaillé?
En 1997, je travaillais chez Dreamworks, sur le film Ants (ndlr : Fourmiz). J’ai travaillé dans ces studios pendant neuf ans, sur des projets comme Shrek 1, 2 et 3 mais aussi Madagascar 1 et 2. Quand je suis revenu au Canada, j’ai travaillé chez Animation Mentor plusieurs années, puis comme directeur d’animation chez Modus, notamment sur « Sarila », un conte inuit basé sur les histoires de ce peuple. C’est une production québécoise.
Quelle est votre formation académique?
J’ai étudié les arts visuels et la photographie. J’ai longtemps travaillé dans des studios de photographie de la région de Montréal. À ce moment-là, l’animation 3D était plutôt embryonnaire, mais ça m’attirait déjà, je gardais un oeil là-dessus. J’allais [aux expositions] Images du futur à Montréal, pour voir les polygones bouger, et je trouvais ça excitant! (Rires) Plus tard, j’ai décidé de faire le saut pour la 3D, j’ai étudié l’animation à l’école ICARI, où j’ai appris les rouages du métier. Mon premier emploi était à Paris, dans un studio qui s’appelait Fantôme. Après, je suis parti en Californie! J’ai choisi Dreamworks et je n’ai jamais regretté mon choix!
Qu’est-ce qui vous a ensuite donné envie de rejoindre Squeeze? Et d’y rester depuis 5 ans?
Cela faisait longtemps que je pensais qu’un studio devait aller chercher un marché en cinéma et en télé à Québec. Ça manquait. Quand les cofondateurs Patrick Beaulieu et Denis Doré m’ont contacté, c’était le match parfait! Les aspirations de la compagnie collaient exactement à ce que je voulais! Je n’ai pas du tout hésité et j’ai sauté dans l’aventure! Depuis ça s’est agrandit, et ça va grandir encore. C’est un bel accomplissement.
Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui débute et qui voudrait suivre vos pas?
Il faut faire preuve de persévérance. Le monde de l’animation n’est plus ce qu’il était quand j’ai débuté. Il y a beaucoup de compétition entre les animateurs pour décrocher un travail, donc il faut réaliser des démos très poussées, se montrer très convaincant. Pour cela, il faut présenter un beau travail, bien exécuté. On voit très vite le potentiel de quelqu’un, même s’il est junior. Aussi, il n’est plus possible aujourd’hui d’être autodidacte donc ça prend une formation en animation pour bien se développer et être capable d’aller chercher un travail.
Quelles sont les qualités essentielles d’un bon animateur?
Il faut être très patient car c’est un travail de moine. Cela demande d’être un bon observateur et d’avoir un esprit créatif. L’animation n’est rien d’autre qu’une reproduction de la réalité, c’est une question de comment on traite cette réalité. Si l’on veut quelque chose de cartoony, comment l’exagère-t-on? Comment fait-on pour s’amuser avec cette réalité-là? Ça prend également une qualité de jeu, être capable de faire exprimer les personnages dans sa tête, de les incarner, comme un acteur, il faut les sentir, les voir de l’intérieur. On peut se filmer ou se regarder dans le miroir pour essayer de comprendre ce qu’on fait. Tu peux avoir l’air fou ou idiot dans ton bureau mais le sentir dans son corps avant de le mettre dans l’ordinateur est important. J’ai appris de cette façon-là.
Vous êtes aussi le fondateur de la plateforme web « Animation Critique ». De quoi s’agit-il?
L’idée est d’offrir des critiques par internet aux personnes qui souhaitent améliorer leurs animation. On est une équipe de quatre animateurs. Les juniors peuvent uploader leur animation et on leur répond avec une critique vidéo. On est en contact avec des écoles aussi pour aller dans les classes. L’idée m’est venue lorsque ma fille qui étudie l’animation me demandait des commentaires. À ce moment-là, je l’aidais beaucoup à distance et... l’idée a cliqué!
C’est très collaboratif. D’ailleurs, beaucoup de gens me disent que le milieu de façon générale est très collaboratif, tout le monde s’entraide.
Oui, absolument. Plus on collabore, mieux c’est. Je ne suis pas un « dictateur » de l’animation, mais un « directeur ». Je travaille avec une équipe et l’opinion de chaque personne est importante, surtout quand on travaille au développement d’un projet. On essaie d’amener une certaine vision mais une équipe qui se tient, c’est magique! Chez Squeeze, on est une grande famille!
Nom du studio: Squeeze Lieu: ville de Québec, fondé en 2011. Activité: Création de projets 3D, de A à Z. Nom des principaux dirigeants: les cofondateurs Patrick Beaulieu et Denis Doré Nombre d’employés: environ 60. Type d’emplois offerts: artistes 3D, modeleurs, concept artist, directeur technique, etc. |
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