Valentine y est allé d’un coup marketing judicieux, en mars dernier, en lançant une pétition afin qu’un emoji poutine soit créé. Après tout, les Américains ont leur emoji hot-dog et les Français leur croissant, alors, pourquoi les Québécois n’auraient pas droit à leur poutine?
La chaîne de restauration rapide a donc lancé une pétition en faveur de sa création, qui a amassé 5000 signatures au moment d’écrire ces lignes.
Quelle est la suite? Qui tranchera à savoir si oui ou non, les Québécois verront leur Saint-Graal sanctifié par un emoji?
Si vous croyez que le processus de création des emojis était simple, détrompez-vous…
Un processus d’élection
Tout passe par le consortium Unicode. Chaque année, l’association à but non lucratif sélectionne un nouveau lot d’emojis qui feront leur apparition sur vos divers réseau sociaux, services de courriel et de messagerie.
Douze membres composent ce conseil sélect. Neuf de ceux-ci proviennent de multinationales américaines : Oracle, IBM, Microsoft, Adobe, Apple, Google, Facebook, Shopify, et Netflix. Pour joindre le comité, et ainsi obtenir un droit de vote, ils déboursent 18 000 $US par année.
Les autres membres du conseil appartiennent au gouvernement du Oman, à la compagnie Chinoise Huawei - et ses nombreuses controverses - puis l’entreprise allemande SAP.
Une fois proposé par le conseil, il faut généralement attendre 18 mois avant de voir un emoji traverser l’entièreté du processus d’approbation, dans lequel celui-ci est revisé par l’Organisation internationale de normalisation.
Des emojis à l’image de leurs utilisateurs
Il faut savoir que ce long processus ne plaît pas à tout le monde. Emojination, une organisation populaire qui crée ses propres emojis, accuse le consortium d’Unicode d’être trop homogène.
« Leurs décideurs sont généralement des hommes, des Blancs et des ingénieurs. Ils se spécialisent dans l'encodage. Un tel processus d’examen n’est certainement pas l’idéal pour promouvoir un langage visuel dynamique utilisé dans le monde entier », peut-on lire sur leur site web.
C’est sous ce désir de voir les emojis mieux représenter la population que l’organisation a été inventée.
Tout a commencé en août 2005, lorsque Jennifer Lee, en envoyant un message texto à son amie Yiying Lu, a réalisé qu’aucun emoji ne représentait un dumpling. Elle a donc effectué une recherche et réalisa que c’était le consortium d’Unicode se cachait derrière l'approbation des emojis.
Voici quelques exemples d’emojis présentés par Emojination. Plusieurs d’entre-eux n’ont toujours pas été approuvés.
Curieuse d’en apprendre plus sur le processus décisionnel d’Unicode, elle assiste à une réunion du Consortium. Elle en sort extrêmement déçue.
« Je sentais que la voix du peuple n’était pas représentée. Je voulais faire ma part pour rendre les emojis inclusifs », a-t-elle raconté au Adobe Create Magazine.
Une campagne Kickstarter a été créé, puis Emojination est né.
Un emoji pour les menstruations?
À ce jour, Emojination a participé à l’élaboration de bon nombre d’emojis. L’organisation présente des designs potentiels à Unicode, accompagnés d’un argumentaire en faveur de son implantation. Ensuite, le consortium vote en faveur ou défaveur de tous les concepts présentés.
Emojination explique au Adobe Create Magazine que la partie la plus difficile du processus est de collecter des statistiques démontrant un désir de la population de voir un emoji créé. Pour ce faire, l’organisme analyse les tendances de recherches sur Google, Twitter, Instagram et d’autres médias sociaux.
Autre défi : trouver des design standardisables, pouvant être compris aux quatre coins de la planète.
Par exemple, Emojination a tenté à plusieurs reprises de faire approuver des designs illustrant des menstruations à Unicode, qui a systématiquement refusé toutes ses tentatives.
« C’est difficile de concevoir un symbole pour cela. Une paire de sous-vêtements sanglants ne représente pas vraiment la menstruation; c'est juste une paire de sous-vêtements sanglants », explique Jennifer Lee.
Emojination cherche à créer des emojis qui promeuvent l’inclusion culturelle, et non l’exclusion. Par exemple, l’organisme a voulu créer un emoji qui représentaient adéquatement la santé à l’échelle mondiale.
Il existait déjà des emojis de pilules, ou bien d’ambulance, mais ceux-ci n’étaient pas compris partout. De là est née l’idée de créer un stéthoscope en emoji, un symbole qui allait être compris partout sur le globe.
Au niveau de la diversité, Emojination n’est pas la seule organisation à faire un effort. Dans le cadre du lancement de son mobile Pixel, Google a lancé 53 emojis non genrés.
Cette mesure vient pallier au fait que généralement, des sexes sont assignés à certains stéréotypes. Par exemple, l’emoji illustrant un employé de la construction était représenté par un homme. Il n’existait aucun emoji de la sorte dans lequel était illustré une femme. Selon Google, cette pratique venait renforcer les stéréotypes relatifs au sexe.
Comment proposer un émoticône
Vous n’êtes pas en accord avec certains emojis existants ou vous souhaitez en proposer des nouveaux? Sachez que vous n’avez pas besoin d’être un organisme de la taille d’Emojination pour le faire!
Vous n’avez qu’à vous rendre sur le site officiel d’Unicode, où vous pourrez remplir une soumission.
Vous n’aurez qu’à y présenter des images représentant votre idée, en plus d’y indiquer pourquoi vous estimez que votre emoji devrait voir le jour.
Laissez aller votre imagination!